Êtes vous persuadé(e) que de réinvestir toujours votre excédent de trésorerie est la meilleure solution de croissance financière ?
Oui… mais non !
Le calcul mathématique pur voudrait qu’il coûte toujours moins cher de payer cash, que de payer des intérêts à la banque pendant 10 ans.
Sauf que …
L’argent est un bien comme un autre, et il a plus de valeur neuf que d’occasion.
Je m’explique :
Afin de bien comprendre, il faut considérer que l’argent est un bien usuel, qu’il s’achète et se revend à la manière de n’importe quel bien. Il a une côte sur le marché (taux de change), une valeur (confiance qu’on lui concède) et sa valeur fluctue dans le temps.
La seule différence est qu’il est le bien qui sert à en acquérir d’autres. On troque grâce à un bien normalisé : l’argent. Lorsque vous achetez une voiture, vous échangez de l’argent contre un bien qui vaut la même valeur. Normalement…
Sa fluctuation résulte de deux principes de la théorie financière :
L’aversion au risques : plus je prends de risque, plus le gain potentiel doit être important, sinon je ne prends pas le risque. Selon ce principe, un euro d’aujourd’hui vaut davantage qu’un euro PROBABLE de demain. Cette différence de valeur est comblée par les intérêts que je touche.
La préférence pour la jouissance immédiate : à choisir je préfère avoir de l’argent aujourd’hui que demain. Entre ces deux dates, je pourrais l’investir et donc percevoir des intérêts. Si l’on me donne cet argent que demain, je réclamerai alors naturellement des intérêts pour le gain que je n’ai pas pu réaliser.
Donc… l’argent se déprécie dans le temps pour celui qui investit. Ou qui n’investit pas. Et pour compenser ce manque à gagner, ou le risque de perte, on applique des intérêts.
Très bien ! Et maintenant ?
La gestion du risque
Vous êtes sur le point de réaliser un investissement de 50 000 €. Vous avez 150 000 € de trésorerie.
Si vous dépensez ces 50k€ et qu’un imprévu arrive, du type à vous rincer 80k€, vous n’aurez plus la trésorerie pour assumer votre BFR. Et cela, ça n’a pas de prix.
Vous allez me dire que vous gérez très bien vos risques et que vous êtes à l’abri de tout ces ennuis. Parlez-en à Virgin, Lehman Brothers, Merrill Linch, la Société Générale, et Toys’R’Us… Et au conseil des prud’hommes…
Et ce jour là, la banque ne voudra plus vous prêter un sous pour vous sortir du pétrin, parce que les intérêts qu’elle pourrait percevoir sont bien trop faibles par rapport à son aversion au risque.
Profitez de la banque lorsqu’elle est encore votre amie !
L’effet de levier
Même jour, même heure, mêmes pommes : effet différent.
Quelle est la rentabilité de votre business ? 6,8,10 %, ou plus ? Disons 10 pour les calculs.
Chaque euro que vous investissez dans votre entreprise vous rapporte 10 cts par an. Et chaque euro que vous empruntez vous coûte entre 2 et 5 cts par an. Voyez ? Le calcul est vite fait.
Donc au lieu de vouloir investir 50k€ dans votre entreprise, investissez le maximum que la banque puisse vous prêter, puisque chaque euro supplémentaire que vous emprunterez vous rapportera 5 cts puis 10 quand vous aurez remboursé. Et vaut mieux 5cts sur 400k€ que 10 cts sur 50k€…
Saignez la banque lorsqu’elle est encore votre amie (dans la limite de ce que vous pouvez rembourser) !
1€ d’aujourd’hui vaut davantage qu’1€ de demain… Prenez donc tous les euros aujourd’hui si vous le pouvez.
La stratégie de placement
On recommence.
La banque vous prête pour votre investissement de 50k€ parce qu’il s’agit d’un investissement productif. Mais vous pouvez peut-être faire d’autres placements (financiers) pour lesquels la banque ne vous prêtera pas.
Alors prenez la banque pour votre investissement productif, et placez 50k€ ailleurs, pour optimiser votre trésorerie. Deux investissements, deux rentabilités diversifiées, moins de risque, plus d’argent.
Conclusion
Ne sous-estimez jamais la valeur de l’argent dans le temps dans vos calculs financiers. Les mathématiques financières sont une matière spécifique, ce n’est pas pour rien. Il ne s’agit pas d’une simple addition. On oublie trop souvent le coût induit d’une démobilisation de trésorerie. Et même dans certains cas jusqu’à la faillite ou la baisse cachée de performance.
Épilogue
On parlera un autre jour des moyens de financement alternatifs qui permettent d’optimiser encore davantage l’effet de levier.
On ne parlera pas de l’inflation et de la valeur de l’argent en termes macroéconomiques qui ont tendance à amplifier encore davantage les effets cités dans cet article (sauf plébiscite particulier).
Vous êtes désormais conscient que votre stratégie financière peut vous rapporter gros, ou vous faire perdre beaucoup ?